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  • Photo du rédacteurMargaux Marbaise

Sexualité et troubles alimentaires


Publicité, cinéma, revues, … : Mode et surexposition des corps sont partout. Corps filiformes et aseptisés ou au contraire hyper sexualisés sont autant de modèles auxquels nous nous référons constamment, sans que notre libre arbitre n’ait réellement son mot à dire. Rares sont celles (mais aussi ceux) qui peuvent se vanter de n’accorder aucune importance à l’image qu’elles renvoient et de s’accepter réellement telles qu’elles sont. Mesdames, combien de fois avez-vous entendu vos collègues et/ou amies discuter d’alimentation, de régime ou de silhouette récemment ? Combien de fois avez-vous pris part à ces conversations, avec plus ou moins de conviction ? Les « fat talk »[1] réunissent les femmes du monde entier et ce, dès leur plus jeune âge.


Ces préoccupations esthétiques ainsi que le culte lié à la minceur, valorisés par la société, finissent par dénaturer le lien naturel qui nous unit à la nourriture. En temps normal, chacun d’entre nous mange au moins trois fois par jour et y passe ainsi en moyenne près de vint-six milles heures sur sa vie. Manger est un acte de survie, physiologique, mais aussi un acte social qui nous réunit dans ce qu’il a d’indispensable, de primordial. Manger nous lie à l’autre depuis notre naissance et déjà bien avant cela, dès notre conception et tout au long de notre évolution. L’acte de se nourrir, au travers de la mère, constitue le premier contact au corps de l’autre. Il est pour tous, qu’on le veuille ou non, synonyme d’amour, de sensualité, de générosité. Il est le sens premier que l’on donne au lien et donc à la relation que nous entretenons avec le reste du monde. Qu’advient-il donc des personnes qui, à force de contrôle, perdent ce sens? Que se passe-t-il si l’on en extrait les composantes physiologiques et sociales? Comment évoluer sainement dans cette société maladivement fascinée par la minceur et ce qu’elle véhicule comme image déformée de beauté et de réussite ?


Si l’augmentation des troubles alimentaires en dit long sur notre époque, elle parle aussi de notre manière à tous de se vivre en tant qu’homme ou femme. Si la relation à la nourriture est la première relation au monde, au travers de la fusion à la mère, les troubles alimentaires constituent souvent un appel face à une pression sociale excessive, une peur démesurée de perdre l’autre, de ne pas être aimé pour ce que nous sommes, de perdre le lien primordial. L’entrée dans la vie adulte est une étape particulièrement délicate à franchir en ce qu’elle possède de nouveautés et de défis. Pour certains, boulimie et anorexie constituent alors un refuge, une manière de se tenir à l’écart des changements, de ne pas devoir faire face au défi majeur : se définir. Se tenir à l’écart de l’autre, c’est évidemment aussi se tenir loin de la sexualité. L’intimité et la sexualité, quand on a peur d’être rejeté ou de ne pas être accepté tel que l’on est, sont des défis parfois difficiles à surmonter.


Ainsi, on constate que troubles alimentaires, dépression et troubles sexuels sont bien souvent associés. Une étude  récente[2] a démontré que plus de 66% des femmes présentant un trouble alimentaire se plaignent d’une perte de libido mais pas seulement. Il s’avère que 60 % d’entre elles présentent de l’anxiété quant à la sexualité contre 15 % pour les femmes qui n’ont pas de problèmes alimentaires. Elles sont également davantage en conflits avec leur amant, en changent plus souvent et de manière générale, font moins souvent l’amour. Il semblerait également qu’elles mettent plus de stratagèmes en place visant à éviter les rapports sexuels.


Boulimie, anorexie… mais pas seulement.


La boulimie se caractérise par des épisodes de suralimentation, durant lesquels la personne ingère tout ce qui lui tombe sous la main, en très grandes quantités et sur un laps de temps réduit. Ces phases sont suivies d’un sentiment intense de honte et de culpabilité, d’une sensation de perte de contrôle totale de la relation à la nourriture. S’en suivent des comportements inappropriés visant à éviter la prise de poids comme des vomissements, l’utilisation de laxatifs, le jeûne  ou encore une activité physique excessive. La personne boulimique, très mal à l’aise dans son corps, à tendance à se cacher pour manger. Même si l’excès de poids n’est pas toujours objectif, nombreux sont ceux qui sont constamment au régime, toujours à la quête d’une reprise de contrôle sur ce corps qu’ils ne veulent pas voir.


Un autre combat, pourtant similaire quant au lien étroit existant entre pulsions de vie et de mort, se joue pour la personne anorexique. Ici, la personne vit dans une peur intense de prendre du poids ou de devenir gros alors que son poids est inférieur à la normale et va donc adopter, au travers d’un restriction alimentaire sévère, des comportements persistants pour éviter la prise de poids. La personne anorexique vit une véritable altération de l’expérience du poids et de la forme de son propre corps tout en niant la gravité du symptôme. Ces comportements ont évidemment des conséquences directes sur l’organisme et notamment sur la sexualité. En effet, en refusant de maintenir un poids corporel normal (calculé grâce au fameux indice de masse corporel, le fameux BMI), la femme anorexique finit, entre autres, par assister à la disparition de ses règles (et donc à l’arrêt de la fonction reproductive) qu’elle aura bien du mal à récupérer par la suite.


Ainsi, on estime qu’à l’heure actuelle, près de 10% des femmes souffrent de troubles alimentaires. Évidemment, celles-ci ne présentent pas toujours les caractéristiques suffisantes pour répondre aux critères de la boulimie ou de l’anorexie car ces troubles avancent parfois cachés et de manière insidieuse. Ceci n’en fait pas moins un problème qui mérite amplement notre intérêt car il s’agit en réalité de bien plus de 50% des cas. Comme nous l’avons vu plus haut, quoi de moins étonnant quand on réfléchit à la pression sociale qui s’exerce constamment sur nous. Être mince, faire régime, répondre aux critères de beauté démesurés deviennent notre relation normale au monde qui nous entourent, une composante légitime pour être acceptés par les autres. Ainsi, difficultés à contrôler la prise de nourriture et attention exagérée liée au poids ou à la silhouette sont le quotidien de beaucoup d’entre nous et les hommes ne sont pas épargnés. Ils représenteraient près de 10 à 15% des personnes concernées.


Et la sexualité dans tout ça ?


Le lien entre nourriture et sexualité est étroit. Premièrement, de manière purement physiologique. Ainsi, une restriction importante et prolongée entraine chez la femme l’arrêt des règles mais aussi une diminution de la libido suite notamment à des carences en vitamines. S’en suit alors toute une série d’autres symptômes tels que troubles de la lubrification vaginale, douleurs lors des rapports sexuels, anorgasmie mais aussi impuissance chez l’homme.


Les composantes psychologiques sont elles aussi indéniables. Comme nous l’avons vu, à travers le simple fait de manger, c’est tout notre rapport au monde et à l’autre qui se joue. Prenons par exemple la personne boulimique. Celle-ci entretient un lien privilégié avec la nourriture : manger permet de réguler ses états émotionnels, de se suffire à elle-même, de couper la relation à l’autre en faisant de la nourriture l’unique tentative pour combler le vide. Tentative vaine et inutile qui présente en réalité un seul et unique but : éviter la blessure du rejet. Ainsi, derrière de tels comportements, la personne met en exergue une crainte liée à l’abandon et à l’intimité et donc, évidemment à la sexualité. De plus, la personne qui ressent du dégoût pour son propre corps, la personne qui comme l’anorexique, est dans le contrôle permanent et dissocie complètement son corps réel de l’idée qu’il s’en fait, aura bien du mal à se laisser aller dans la relation amoureuse et dans l’abandon nécessaire à une vie sexuelle épanouie. En réalité, ce sont toutes les facettes de la vie amoureuse et sexuelle qui sont affectées par le trouble alimentaire, ce qui en fait un signal d’alerte à prendre au sérieux pour qu’un changement puisse s’opérer.


Vers une prise en charge…


La problématique des troubles alimentaires n’est pas à négliger. Si elle est de plus en plus courante dans la société de l’image dans laquelle nous évoluons, elle n’en reste pas moins dangereuse. Une prise en charge pluridisciplinaire (psychologue, médecin traitant, nutritionniste, hospitalisation dans certains cas, …) est souvent recommandée pour aider les personnes qui en souffrent. Une fois que celle-ci est engagée, une amélioration de la qualité de la vie sexuelle va souvent de paire, mais pas toujours. En effet, la personne peut, d’une certaine manière, rester « coincée » dans un schéma de comportements auxquels elle est habituée et ce, bien souvent de manière inconsciente. Ainsi même si la problématique alimentaire est équilibrée, des troubles d’ordre sexuels peuvent persister.


Heureusement, des solutions, au travers  notamment d’un travail sur l’anxiété sexuelle, l’image du corps ou encore la capacité à fantasmer, existent pour vous aider à vous réapproprier votre sexualité, tant sur le plan individuel que relationnel.

Margaux

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